Texte d'orientation
Nous réaffirmerons que
les partis socialiste et communiste, ensemble ou séparément,
ont depuis déjà longtemps cessé de défendre
les intérêts vitaux du monde du travail c'est-à-dire
ouvriers, employés, enseignants, cheminots, personnels de
la Poste, des hôpitaux ou de tous les services publics.
Le
PCF et le PS malgré leur influence ou à cause de
leur influence, sont des réformistes qui font, sur le plan
social et politique, l'éloge des « petits
pas ». Ils vont même jusqu'à dire que,
quand on gouverne, il faut accepter de se salir les mains. Mais,
de nos jours, le patronat et en particulier le grand, n'accepte
aucune concession en se servant de la menace du chômage.
Nous
ne disons pas qu'il y a identité absolue entre la gauche
et la droite, bien qu'ils soient tous des partis bourgeois au
sens social du terme. Parfois, dans certains domaines, ils ont
des politiques, voire des discours un peu différents. Ils
se ressemblent comme la main gauche et la main droite, mais ne
sont pas identiques.
Lorsqu'ils
ont été au pouvoir, les partis de gauche ont pris
des mesures certes libérales au sens social ou
« sociétal » du terme comme certains
disent, comme le Pacs, ou autres mesures mais qui ne changent
rien à la situation des salariés et ne touchent pas
aux intérêts du patronat. Les 35heures qui auraient
pu être une mesure favorable aux salariés ont été
accompagnées de beaucoup d'avantages pour le patronat
comme, par exemple, la flexibilité des horaires, la
réduction des temps de pause payés sur les chaînes,
les exonérations de charges sur les bas salaires. Ce qui a
d'une part contribué au déficit de la Sécurité
sociale et, d'autre part, poussé les salaires vers le bas.
Toutes choses qui ont fait que, pour bien des travailleurs, le
bilan du gouvernement PS, PC, Verts, n'était pas
favorable. D'autant que certains, vu les pressions, patronales ou
autres -hospitaliers par exemple-, ont fait des heures
supplémentaires et n'ont pas pu prendre de récupération.
Ceux des petites entreprises n'en ont pour ainsi dire pas
bénéficié.
C'est
cela que la gauche a payé par sa défaite en 2002.
Comble de cynisme, au lieu d'analyser les raisons de sa défaite
et ses erreurs au pouvoir, elle a choisi, entre les deux tours,
une honteuse capitulation devant Chirac en le faisant plébisciter
pour, paraît-il, éviter un danger inexistant, car Le
Pen ne pouvait pas être élu. Du coup, on a Sarkozy
qui vaut presque Le Pen et on l'aura peut-être bientôt
comme président. On peut toujours faire pire, mais il
n'est pas du tout dit que Le Pen aurait eu les moyens de faire
pire que le couple Chirac-Sarkozy.
La
différence entre l'extrême droite et le fascisme
dépend des hommes mais aussi des circonstances et des
choix du grand patronat face à une grave crise sociale.
Le
PC et le PS ne sont plus, depuis longtemps, contre le capitalisme
et ne dénoncent même pas ses tares. Au contraire,
ils les couvrent. Ils se veulent, fondamentalement, au même
titre que la droite, au pouvoir ou en dehors, de bons gérants
de cette société inhumaine qu'est la société
capitaliste dominée par le profit, le marché et la
rapacité.
En
conséquence, sur le plan social, bien que nous n'ayons ni
les moyens ni la force de susciter une réaction générale
des travailleurs, pour se défendre, nous affirmons que
c'est pourtant cela qu'il faudrait, au lieu de faire des grèves
isolées et quasi corporatistes qui restent sans lendemain
et sans autre effet que de contribuer à creuser des fossés
entre les travailleurs qui paraissent ainsi avoir des intérêts
différents.
Lié à cela, un de nos objectifs
destiné à unifier les revendications et les luttes
est aussi de continuer à populariser le plan revendicatif
que nous avons déjà développé il y a
plusieurs années sous le nom de « plan
d'urgence » pour le monde du travail:
interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des
profits et maintien de l'emploi en prenant sur ces profits;
accès pour les salariés, les consommateurs et la
population à toute la comptabilité des grandes
entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent,
voir d'où il vient, par où il passe, où il
va et à qui il va. Pas le genre de bilans qu'on montre une
fois par an aux syndicalistes des comités d'entreprises.
Il faut rendre publique mensuellement, voire au jour le jour,
toute la comptabilité des grandes entreprises afin de
savoir tout ce qu'elles prennent à la collectivité
et tout ce qu'elles préparent;
relever le smic d'au moins 300 euros et interdire le temps
partiel imposé et les emplois précaires, car il y a
trop de travailleurs pauvres;
imposer la construction par l'État, et non par les
municipalités, d'habitats sociaux vivables au sein des
grandes agglomérations en réquisitionnant les
terrains nécessaires; on en a trouvé du jour au
lendemain pour les Jeux olympiques de 2012;
modifier la scolarité pour que, dans tous les quartiers,
surtout les plus défavorisés, tous les enfants et,
en particulier, ceux issus de l'immigration qui maîtriseraient
mal le français, trouvent d'abord des classes maternelles
en nombre voulu pour ne pas être surchargées et que
des enseignants suffisamment nombreux pour être
disponibles, puissent faire ce que les parents ne peuvent pas
faire. Il faut faire de même au début de
l'enseignement primaire.
Sur
le plan politique, nous continuerons à œuvrer pour
tenter de construire un véritable parti communiste qui
défende les intérêts politiques du monde du
travail.
Nous
ne faisons pas un appel, comme certains l'ont cru, à
unifier la multitude de groupuscules gauchistes, existants ou
pas. Nous nous livrerons à un patient travail devant
lequel les autres reculent mais qui peut, nous l'espérons,
connaître des accélérations. Un travail de
recrutement, en particulier en milieu ouvrier mais sans pour
autant négliger les intellectuels. Nous continuerons aussi
un travail de formation culturelle et politique non seulement
pour nos militants mais vis-à-vis de tous ceux qui
sympathisent avec nos idées. Nos efforts de recrutement
individuel seront tournés en direction des jeunes,
travailleurs ou intellectuels.
Nous
continuerons et augmenterons l'effort réalisé avec
notre presse d'entreprise qui s'adresse aux travailleurs du rang
à la fois sur le terrain politique ou social en partant de
ce qui concerne leur propre entreprise. Ceux de nos groupes
d'entreprise qui ont cette activité, environ trois cents
au total, s'adressent ainsi politiquement à leurs
camarades de travail. De plus, évidemment, nos camarades
salariés militent tous syndicalement et exercent le plus
souvent des responsabilités élues.
Bien
sûr, ils sont aussi les artisans de notre recrutement parmi
les travailleurs: ouvriers, employés, personnel de santé,
des transports, des services publics, qu'ils soient agents
techniques ou enseignants.
C'est tout cela que nous voulons continuer et renforcer en
2006.
Décembre 2005
|
...«Le
gouvernement ne peut que mentir sur toutes les télés
et les radios et ne s’en prive pas, car dire la vérité
serait, de sa part, un suicide. Il ment au moins à l’usage
de ceux qui ne vivent pas cette réalité,
c’est-à-dire les catégories sociales à
l’abri du besoin qui vivent dans leur monde bien clos, et
bien loin de ce que ressent la population qui les fait vivre.»...
|
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Lutte Ouvrière
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LE
COMMUNISME
Contrairement
à ce que beaucoup croient, le communisme n'est pas une
invention russe. Ce n'est même pas une invention de
l'Allemand Karl Marx. Si cette idéologie, cet idéal
plutôt, a une origine nationale, elle est française.
C'est
en effet au cours de la Révolution française que
des révolutionnaires ont réalisé que
l'abolition des privilèges de la noblesse ne résolvait
pas les problèmes de la pauvreté et de la misère.
Il
y avait toujours des gens fortunés qui exploitaient le
travail de ceux qui n'avaient que leurs bras à louer.
Alors,
des révolutionnaires parlèrent de mettre en commun
la terre, principale source de richesse à l'époque.
Ils finirent sur la guillotine, sous le régime dictatorial
qui marqua le déclin de la Révolution. Le nom de
Babeuf est peu connu aujourd'hui, mais il fut l'un de ceux-là
et un des premiers communistes. En France toujours, d'autres
penseurs prirent le relais, comme Fourier qui imagina lui aussi
une société communautaire.
Par
contre, c'est en Angleterre qu'eurent lieu les premières
grandes luttes ouvrières méritant ce nom et qui
furent à l'origine des premières grandes
organisations ouvrières.
Au
début du 19e siècle, l'angleterre était le
pays le plus avancé d'Europe sur la voie du capitalisme
industriel. Des centaines de milliers d'artisans y furent ruinés
et n'eurent d'autre moyen de subsister que d'essayer de
s'embaucher comme ouvriers dans les entreprises industrielles,
qui étaient de véritables bagnes.
Pour
procurer cette main-d'oeuvre aux industriels, on emprisonnait les
malheureux qui préféraient mendier. Cela provoqua
des révoltes et la naissance d'organisations ouvrières.
C'est
la rencontre des méfaits du capitalisme industriel
naissant, des réactions des travailleurs surexploités,
et des utopies, comme on le disait à l'époque, de
Babeuf et de Fourier, qui inspirèrent à Karl Marx,
au départ un révolutionnaire démocrate
allemand, l'idée que le développement de la
productivité et celui de la classe ouvrière
permettraient de réaliser une société où
l'on pourrait satisfaire les besoins de tous, sans accumuler une
misère effroyable à un pôle pour enrichir une
minorité à l'autre.
Ce
fut cela l'idéal socialiste, communiste, moderne, qui
donna naissance à des partis socialistes dans presque tous
les pays du monde, puis à des partis communistes.
Ce
fut cela aussi qui inspira les révolutionnaires russes de
1917 et qui permit de faire, en quarante ans, du pays le plus
arriéré d'Europe, la deuxième puissance
industrielle mondiale. Mais la révolution russe resta
isolée, elle ne s'étendit pas aux pays
économiquement les plus avancés d'Europe qu'étaient
l'Allemagne, l'Angleterre et la France.
Isolée,
la révolution russe dégénéra et donna
naissance à une couche sociale parasitaire, qui cachait
ses privilèges derrière une parodie de communisme
incarnée par le régime de Staline et de ses
successeurs, et qui finit de s'effondrer aujourd'hui. Mais ce
n'est pas le communisme qui a fait faillite en URSS, c'est cette
parodie.
Pendant
ce temps le capitalisme, lui, continue, depuis des années
et des années, à mener, de crise en crise, une
existence convulsives, entraînant le monde dans des guerres
successives. Trois fois en moins d'un siècle entre la
France et l'Allemagne, sans compter tous les conflits dans l'Est
européen. Et depuis les cinquante dernières années,
le monde capitaliste n'a pas connu un seul jour de paix dans le
monde.
Le
communisme a connu un échec sur un sixième du
globe, mais le capitalisme continue à sévir et à
échouer sur les cinq autres sixièmes.
C'est
pourquoi, à Lutte Ouvrière, malgré l'échec
de l'URSS, nous sommes toujours fidèles à l'idéal
communiste.
|
« La
raison de ma présence dans cette campagne, c’est de
permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes
dans le camp des travailleurs, de faire entendre leur voix. Ceux
qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est
réservé à la principale classe productive de
la société ; ceux qui sont convaincus qu’il y
a une autre façon de faire fonctionner la société
que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour
ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont
convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne
sont que du vent s’ils ne sont pas capables de s’en
prendre à la toute-puissance du capital sur l’économie,
c’est-à-dire sur la société. C’est
cela la signification principale du bulletin à mon nom
qu’ils pourront mettre dans l’urne. »
...
« Ne
nous y trompons pas, nous ne disons et ne dirons pas que gauche
et droite c’est pareil ! Elles sont, comme je le disais
plus haut, les acteurs d’une même pièce. Il y
a ceux qui jouent le rôle des méchants et ceux qui
jouent le rôle des bons. Et il est vrai qu’il vaut
mieux avoir affaire à des faux bons qu’à de
vrais méchants. Mais il faut savoir que derrière
eux, on trouve toujours les mêmes fauves qui ne changent
pas au hasard des résultats électoraux. Les
Lagardère, les Dassault, les Bouygues, personne, à
part leur conseil d’administration ne les élit et
encore, car leurs capitaux sont majoritaires dans les entreprises
les plus importantes où ils participent ; et ces trois-là,
à eux trois, ont plus de mainmise sur toute la société
française que le gouvernement n’en a. »
|
Les
fondements programmatiques de notre politique
En
1848, Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste du parti
communiste : "Le caractère distinctif de notre
époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir
simplifié les antagonismes de classe. La société
se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux
grandes classes diamétralement opposées : la
bourgeoisie et le prolétariat". C'est
sur cette assertion capitale, vérifiée par plus
d'un siècle et demi de développement historique,
que se fondent le programme et la pratique des révolutionnaires
prolétariens. Dès
l'aube du XVIe siècle, le développement de la
bourgeoisie, de la production manufacturière, avec le
commerce vers les Amériques, l'Afrique et les Indes, ont
entraîné l'extension du commerce mondial, souvent
sous la forme du pillage et, en retour, la création d'un
marché intérieur et
mondial. L'industrialisation
provoqua un exode des campagnes vers les villes, une urbanisation
croissante et l'apparition du prolétariat industriel
s'entassant près des lieux de production dans des taudis
insalubres avec des conditions de travail abominables. C'est
avec la révolution industrielle au tout début du
XIXe siècle que le marché mondial s'est développé
considérablement et que l'industrialisation de l'Europe
occidentale, puis de la côte est des États-Unis, a
créé une véritable division internationale
du travail et donné naissance au prolétariat
moderne. Le développement
des capacités de production tant industrielle qu'agricole,
lié au développement de la bourgeoisie, a créé
les fondements économiques susceptibles de satisfaire tous
les besoins tant physiques que matériels et intellectuels
de toute la population mondiale. Il
est d'ores et déjà possible de construire un monde
débarrassé de la faim, de la misère, de
l'exploitation et de l'aliénation. Ce sera cette société
communiste à laquelle nous voulons oeuvrer. La
surnatalité dans la plupart des pays sous-développés
ne sera pas un problème, contrairement à ce que
disent certains économistes qui la rendent responsable du
sous-développement. Car on a pu juger que, dans les pays
occidentaux, sous l'effet du niveau de vie et de la culture, la
natalité se stabilise, voire diminue et que la population
n'y augmente que grâce à l'apport de l'immigration
en provenance des pays pauvres. La
lutte du prolétariat ne saurait donc se concevoir limitée
au cadre de frontières nationales. C'est, au contraire,
une lutte internationale, se donnant pour but la destruction de
la puissance économique et politique de la bourgeoisie et
l'organisation de la classe ouvrière en classe
économiquement et politiquement dominante à
l'échelle mondiale. L'internationalisme exprime cette
communauté fondamentale des intérêts et des
objectifs, et non pas une simple solidarité. Il implique
sur le plan politique que, pour reprendre l'expression du
Manifeste communiste, "dans les différentes luttes
nationales des prolétaires, (les communistes) mettent en
avant et font valoir les intérêts indépendants
de la nationalité et communs à tout le
prolétariat". C'est parce que la révolution
russe est restée isolée qu'elle a connu
l'épouvantable dégénérescence
bureaucratique incarnée par Staline. Gagner
aux idées communistes révolutionnaires une fraction
de la classe ouvrière et des autres classes prolétariennes
directement ou indirectement exploitées pour construire un
parti communiste révolutionnaire ici même, en
France, ne peut se concevoir que dans le cadre de la construction
ou, au moins, dans la perspective d'un parti mondial de la
révolution socialiste. C'est
pourquoi, malgré l'absence d'une telle internationale,
nous devons en permanence nous efforcer de poser les problèmes
politiques du prolétariat et de la société
française en fonction des intérêts politiques
et sociaux du prolétariat mondial. Notre
programme se fonde sur les acquis politiques du mouvement
communiste révolutionnaire et, en conséquence, sur
les bases programmatiques exprimées par le Manifeste
communiste, les quatre premiers congrès de
l'Internationale communiste et le Programme de transition,
programme de fondation de la Quatrième
internationale. Le Manifeste
communiste de 1848, en affirmant que "le prolétariat
se servira de sa suprématie politique pour arracher petit
à petit tout le capital de la bourgeoisie, pour
centraliser tous les instruments de production entre les mains de
l'État, c'est-à-dire du prolétariat organisé
en classe dominante...", exprime le rôle irremplaçable
du prolétariat dans la transformation sociale. Ce
passage donne aussi la véritable signification de
l'expression "dictature du prolétariat" exprimée
en 1852 sous la plume de Marx comme le pouvoir démocratique
du "prolétariat organisé en classe dominante"
(ce qui n'a rien à voir avec la déformation de
cette notion imposée par les staliniens pour justifier la
dictature de la bureaucratie en URSS). Elle n'est une dictature
que dans la mesure où sa fonction essentielle sera de
procéder à la "violation despotique du droit
de propriété et du régime bourgeois de
production... comme moyen de bouleverser le mode de production
tout entier". Le pouvoir
ouvrier sera l'antithèse de l'État de la
bourgeoisie qui, même sous l'apparence des régimes
les plus formellement démocratiques, a un caractère
dictatorial dans sa fonction fondamentale de défendre la
propriété bourgeoise et le mode de production
capitaliste. La "dictature
démocratique du prolétariat" devra être
d'emblée plus démocratique que le plus démocratique
des pouvoirs bourgeois où, derrière les
institutions électives, le grand capital impose sa propre
dictature. Un pouvoir politique destiné à
s'éteindre pour laisser la place à "une
association où le libre développement de chacun est
la condition du libre développement de tous". Cette
conception marxiste de l'État, de son rôle et de sa
nature, bourgeoise aujourd'hui, prolétarienne après
la révolution, et sa disparition inéluctable,
progressive, au fur et à mesure que la société
se transforme, a été exposée et surtout
défendue par Lénine, en août 1917, entre les
deux révolutions, celle de février 1917 qui avait
renversé le tsarisme et celle d'octobre-novembre de la
même année qui renversa la bourgeoisie. Lénine,
dans sa brochure L'État et la Révolution, écrite
en août 1917, rétablit la pensée de Marx sur
cette question, déformée par tous les opportunistes
qui l'avaient soi-disant représentée, en éclairant
les idées de Marx et Engels par l'expérience des
révolutions russes de 1905 et de février 1917 et de
la situation de crise révolutionnaire de la période
où la brochure a été écrite. Des
quatre premiers congrès de l'Internationale communiste,
nous tirons la conviction qu'un Parti est indispensable pour que
le prolétariat puisse accomplir la révolution
socialiste. "Ce n'est que
dans le cas où le prolétariat est guidé par
un parti organisé et éprouvé, poursuivant
des buts clairement définis et possédant un
programme d'actions susceptible d'être appliqué,
tant dans la politique intérieure que dans la politique
extérieure, ce n'est que dans ce cas que la conquête
du pouvoir politique peut être considérée non
comme un épisode, mais comme le point de départ
d'un travail durable d'édification communiste de la
société par le prolétariat". (Texte
adopté en juillet 1920 par le 2e congrès de
l'Internationale communiste). Cela
nous distingue non seulement des anarchistes, mais aussi d'une
multitude de courants d'aujourd'hui qui répudient toute
idée d'organisation politique des classes exploitées
et opprimées pour ne parler que de "mouvements
sociaux" et qui cachent toujours des objectifs politiques
réformistes voire réactionnaires, derrière
l'apolitisme. Mais cela nous
distingue, aussi, des partisans d'un "parti ouvrier de
masse". Un parti oeuvrant pour la transformation
révolutionnaire de la société ne pourrait
être un parti de masse que dans un contexte de montée
révolutionnaire lorsque la grande majorité de la
classe ouvrière elle-même est convaincue de la
nécessité de s'emparer du pouvoir politique. La
notion de "parti ouvrier de masse" sert en général
de refuge à ceux qui défendent une politique
réformiste. L'ensemble des travailleurs n'est pas
révolutionnaire en temps normal. Les masses sont au
contraire réformistes et ce n'est que dans des périodes
critiques que la nécessité d'un changement radical
de politique s'empare des masses. En dehors de ces périodes,
on ne peut gagner aux idées révolutionnaires qu'une
minorité du monde du travail. Le
Programme de transition (septembre 1938) prolongeant les textes
programmatiques précédents, outre son analyse de la
dégénérescence bureaucratique du premier
État ouvrier et sa défense du programme communiste
contre les déformations staliniennes, définit ce
que sont les "revendications transitoires" qu'il met en
avant : "partant des conditions actuelles et de la
conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière
et conduisant invariablement à une seule et même
conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat",
par opposition à la séparation entre le programme
minimum qui se limitait à des réformes dans le
cadre de la société bourgeoise et le programme
maximum qui promettait pour un avenir indéterminé
le remplacement du capitalisme par le socialisme". C'est
guidés par ce programme qu'en fonction de la situation
économique, sociale et politique actuelle, nous mettons en
avant la revendication de l'interdiction des licenciements
collectifs sous peine de réquisition surtout dans les
entreprises qui affichent cyniquement des profits. C'est une
revendication transitoire car sa mise en oeuvre nécessite
un niveau de luttes sociales en mesure de mettre en cause la
propriété privée capitaliste. Comme
est une revendication transitoire la revendication de l'abolition
du secret commercial et bancaire dans la mesure où ce ne
peut être que le prolétariat qui se charge de son
application. Bien entendu, si la publicité des
comptabilités, la transparence des affaires restaient des
articles de loi ou si seuls des organismes de collaboration de
classe, genre comités d'entreprise, avaient le droit de
vérifier les comptes des entreprises, de révolutionnaires
ces objectifs deviendraient platement réformistes. Si,
cependant, le prolétariat mobilisé les prend en
charge, cela l'amène à contrôler les comptes
des entreprises et des banques, à intervenir dans leur
gestion et, en fin de compte, à remette en cause la
disposition totale du capital industriel, commercial et bancaire
par la grande bourgeoisie. Le
Programme de transition est également la clé de la
compréhension de la dégénérescence
bureaucratique du premier État ouvrier et de toutes les
déformations introduites par le stalinisme dans le
programme et dans les valeurs fondamentales du mouvement ouvrier.
Nous avons toujours défendu l'analyse trotskyste contre
des courants, et ils ont été nombreux, qui, avant
même la mort de Trotsky et plus encore après, en
abandonnant pour l'URSS la notion d'État ouvrier dégénéré
ont en fait abandonné la notion d'État ouvrier tout
court. En ne remettant pas
fondamentalement en cause, même aujourd'hui, cette
appréciation alors que l'Union soviétique est
morcelée et que la quasi-totalité de ses dirigeants
oeuvrent au retour du capitalisme, nous nous plaçons dans
la continuité de ce combat politique car, même
aujourd'hui, certains traits de la société
ex-soviétique ne s'expliquent pas sans un raisonnement
basé sur les analyses trotskystes et, surtout, parce que
l'évolution vers la domination sociale et économique
totale de la bourgeoisie est loin d'être encore
accomplie. La Quatrième
internationale, fondée par Léon Trotsky en 1938, a
en effet été, jusqu'à la mort de ce dernier
en 1940, la seule continuatrice politique du mouvement
successivement incarné par l'Association internationale
des travailleurs de Marx et Engels, par la Deuxième
internationale jusqu'à la Première Guerre mondiale
et par l'Internationale communiste des années 1919-1923.
Si, en tant que direction internationale, la Quatrième
internationale n'a pas résisté à la Seconde
Guerre mondiale, le Programme de transition, son programme
constitutif, malgré la marque des circonstances où
il fut écrit, est encore le meilleur guide existant pour
les révolutionnaires prolétariens. C'est en quoi la
tâche fondamentale de ceux-ci est la reconstruction d'une
Internationale communiste révolutionnaire.
Notre
programme politique
La
reconstruction d'une Internationale implique la construction,
dans tous les pays du monde, de partis prolétariens,
défendant le rôle historique du prolétariat,
ce qui n'empêche pas, au contraire, de défendre ses
intérêts immédiats, mais sans perdre de vue
et en restant dans le cadre de la défense de ses intérêts
généraux, c'est-à-dire de ceux de toute la
société. Il en
résulte, à notre échelle, que nos camarades
d'entreprise participent aux luttes petites et grandes que les
travailleurs et les exploités en général
mènent pour défendre leurs conditions d'existence.
Comme il en résulte qu'ils doivent se donner une activité
syndicale. Mais, dans les luttes petites et grandes contre la
bourgeoisie et son État, comme dans l'activité
syndicale, les révolutionnaires communistes, pour
reprendre l'expression du Manifeste communiste, "représentent
toujours les intérêts du mouvement dans sa
totalité". La
construction de partis authentiquement prolétariens et la
lutte pour la révolution socialiste nécessitent une
délimitation rigoureuse, tant politique
qu'organisationnelle, du terrain de classe sur lequel les
révolutionnaires doivent se placer. Face aux"fronts"de
toutes sortes visant à mettre la classe ouvrière à
la remorque d'organisations et d'intérêts bourgeois,
les révolutionnaires doivent en particulier défendre
la nécessité d'une organisation et d'une politique
prolétariennes indépendantes, se donnant pour but
l'instauration du pouvoir démocratique du prolétariat
représenté par un pluralisme des partis
révolutionnaires. La
société bourgeoise entretient et reproduit bien des
formes d'oppression ou d'exclusion contre les femmes, des
minorités nationales, voire ethniques et bien d'autres,
car elle en suscite sans cesse de nouvelles - les sans-papiers,
les sans-logis - provoquant des réactions de protestation,
momentanées ou permanentes. Comme en provoquent
fréquemment les multiples conséquences du
fonctionnement de l'économie capitaliste. Les
révolutionnaires communistes soutiennent la contestation,
même limitée et partielle, de l'organisation
capitaliste de la société, sans pour autant
attribuer automatiquement à ces mouvements un caractère
révolutionnaire que, le plus souvent, ils n'ont
pas. Le stalinisme a déformé
ou vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement
ouvrier. Il en est ainsi des notions d'"anti-impérialisme",
d'"anti-capitalisme", voire d'"internationalisme".
Cela fait qu'aujourd'hui bien des courants politiques n'ayant
aucun lien, ni passé, ni présent, avec le mouvement
ouvrier peuvent s'emparer de ces mots et faire d'autant plus de
bruit avec qu'ils les ont vidés de sens. Le
courant altermondialiste n'est que le dernier avatar de ce type
de courants qui utilisent certaines notions héritées
du mouvement ouvrier, mais vidées de contenu, en
canalisant l'indignation voire la révolte que soulève
telle ou telle injustice criante ou telle ou telle conséquence
catastrophique de l'économie capitaliste. Nous
devons nous démarquer clairement et fermement de ces
courants, lever les ambiguïtés de leur langage et
dénoncer leur politique qui, derrière des aspects
contestataires, est fort respectueuse de l'ordre social. De
façon analogue, le stalinisme a déformé la
tradition bolchévique du parti communiste révolutionnaire,
reprise par la Troisième internationale. À la
notion de parti, à la fois discipliné et
démocratique et, surtout, entièrement dévoué
aux intérêts politiques du prolétariat, il a
substitué celle de parti stalinien où la discipline
est remplacée par un autoritarisme destiné à
interdire toute critique susceptible de dévoiler que le
parti a abandonné les intérêts du prolétariat
pour se mettre d'abord au service de la bureaucratie
ex-soviétique puis, par son intermédiaire, de la
bourgeoisie de chaque pays. L'évolution
des partis staliniens, leur social-démocratisation sur le
plan politique et organisationnel, ont parachevé une
évolution. Sous prétexte de remise en cause de leur
passé stalinien, les PC - et le PCF en particulier - ont
surtout abandonné leurs références aux
traditions communistes. Cette évolution a contribué
au rejet de l'idée même que le prolétariat a
besoin d'un parti politique démocratique, mais centralisé
et discipliné, pour parvenir à son émancipation.
Entraînant derrière eux bien des organisations
pseudo-révolutionnaires qui affirment aujourd'hui que le
parti n'est plus le principal dans la révolution
sociale. La nécessité
d'un parti communiste révolutionnaire refusant de se
fondre dans des fronts plus larges n'est pas seulement vraie pour
les pays capitalistes avancés, où les tâches
de la révolution démocratique bourgeoise ont été
accomplies et où le prolétariat constitue une
classe très nombreuse. Cela
est également vrai pour les pays"sous-développés"où
les tâches de la révolution démocratique
bourgeoise n'ont pas été accomplies et qui sont
soumis au pillage impérialiste et dont le prolétariat,
souvent numériquement faible, est soumis à une
exploitation forcenée. Bien que la quasi-totalité
des pays pauvres de la planète ne soit plus soumise à
l'oppression coloniale directe, ils subissent toujours, et de
façon aggravée, la domination économique et
politique de l'impérialisme. Le principal changement
apporté par la décolonisation réside dans le
fait qu'une couche dirigeante autochtone a pris en charge les
tâches d'oppression de l'ancienne métropole
coloniale. Les États des pays pauvres sont le plus souvent
des dictatures corrompues qui, après les prélèvements
de l'impérialisme, pressurent encore leur population pour
en extraire ce qui pourrait rester à en soutirer. La
misère des masses pauvres n'y a pas de limite. Les
contradictions de classe restent, en conséquence,
explosives dans les pays pauvres. Les aspirations de larges
masses à des droits démocratiques et surtout à
une vie meilleure ont été canalisées pendant
toute une période historique, pendant et après le
mouvement de décolonisation, par l'influence
d'organisations petites-bourgeoises nationalistes plus ou moins
progressistes, se prétendant même, parfois,
marxistes-léninistes. Le
pillage impérialiste ne fait cependant pas que saigner ces
pays. Il les a aussi fait régresser sur le plan de la
conscience politique. L'ère du nationalisme"progressiste",
du panafricanisme, du tiers-mondisme de différentes
variétés, cède la place à l'ère
de la montée des forces réactionnaires, de
l'intégrisme dans certains pays, de l'ethnisme dans
d'autres. La domination impérialiste repousse nombre de
pays pauvres vers une barbarie moyenâgeuse, vers les
guerres permanentes et le règne des seigneurs de
guerre. Dans tous les pays
pauvres, les révolutionnaires prolétariens
devraient prendre en charge les aspirations anti-impérialistes
des masses, ainsi que leurs aspirations aux droits et libertés
démocratiques. Un parti prolétarien chercherait à
se mettre à la pointe de cette lutte en démontrant
par sa politique qu'il est le seul à pouvoir aller
jusqu'au bout de ce combat. Mais
il doit le faire sur un terrain de classe, ce qui exige sa
rigoureuse indépendance de classe. Il doit le faire en
éclairant sans cesse les travailleurs urbains et ruraux
sur leurs intérêts de classe et sur ce qui les
sépare ou les oppose aux catégories sociales dont
les représentants sont susceptibles d'utiliser un
langage"anti-impérialiste". Cela l'opposera de
façon radicale aux courants intégristes, ethnistes,
etc., mais cela l'opposera également aux organisations
nationalistes petites-bourgeoises même à prétention
progressiste. Nous n'avons
jamais prétendu être une Internationale, même
au sens qu'avait la IVe internationale au moment de sa fondation.
Même en étant organisationnellement extrêmement
faible, la IVe internationale de l'époque était
dirigée par Trotsky qui représentait à lui
seul le capital politique issu de l'expérience de la
révolution russe et celui de la IIIe internationale,
capital qui a disparu presque totalement avec lui. Les différents
courants trotskystes qui ont joué à
l'Internationale, outre le caractère dérisoire de
ces jeux, masquaient en même temps l'abandon des efforts
d'implantation dans la classe ouvrière de leurs pays,
c'est-à-dire l'abandon en fait de la construction des
partis communistes révolutionnaires. Nous
avons cependant toujours essayé de raisonner en fonction
des intérêts du prolétariat international.
C'est de ce point de vue-là que nous avons analysé
les phénomènes politiques nouveaux depuis la mort
de Trotsky, comme les Démocraties populaires ou la
révolution chinoise. Cela nous a amenés souvent à
nous différencier, voire à nous opposer aux
différents courants trotskystes existants. Avec la
disparition des Démocraties populaires, l'objet de nos
divergences a disparu, mais pas leur histoire et pas la
différence dans les méthodes d'analyse sociale. Ces
différences, on les retrouve dans nos jugements respectifs
des courants nationalistes plus ou moins radicaux qui existent
dans les pays pauvres. Comme elles se retrouvent dans nos
attitudes respectives vis-à-vis de la social-démocratie
et ses avatars divers. Nous
avons également considéré de notre devoir,
quand l'opportunité s'en présentait, d'aider des
militants d'autres pays à militer sur la base des idées
communistes révolutionnaires. Malgré
un certain nombre de succès électoraux relatifs -
relatifs à notre implantation dans la classe ouvrière
-, notre tâche fondamentale reste la même qu'il y a
vingt ou trente ans. Outre
qu'elle est modeste, l'influence électorale ne fait pas le
parti. Aussi, si nous sommes amenés à participer à
bien des manifestations de solidarité envers tel ou tel
peuple ou fraction de la population particulièrement
opprimée, et si nous continuons, comme il est du devoir
des communistes révolutionnaires, à nous présenter
aux élections, toutes ces activités doivent se
placer dans la perspective de la construction d'un parti
communiste révolutionnaire prolétarien et lui être
subordonnées. L'émergence
d'un tel parti ne dépend évidemment pas que de
nous, mais aussi des circonstances, de la reprise de confiance du
prolétariat en lui-même, ici, en France, comme
ailleurs. Ce qui dépend de nous, c'est de ne pas
abandonner les idées, le programme hérités
de plus d'un siècle et demi d'histoire du mouvement
ouvrier révolutionnaire, de ne pas les dissoudre dans des
alliances ou fronts en vue de succès éphémères,
de chercher à organiser des travailleurs autour de ces
idées. Quant aux
circonstances favorables qui permettront à ce qui est semé
aujourd'hui de pousser demain, nous en puisons l'espoir dans le
fait que l'évolution historique donnera raison aux
objectifs de transformation sociale du mouvement ouvrier
révolutionnaire car notre conviction est que le
capitalisme, l'exploitation, l'oppression, les guerres ne peuvent
pas représenter le seul avenir de l'humanité.
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